Le Conseil constitutionnel a invalidé, par une décision du 21 octobre 2016, l´article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure qui permettait aux pouvoirs publics de prendre, à des fins de défense des intérêts nationaux, des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne. Cette disposition a été censurée notamment au nom du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances consacrés par l´article 2 de la Déclaration des droits de l´homme et du citoyen de 1789.

Décision n.2016-590 QPC du 21 octobre 2016- La Quadrature du Net et autres (Surveillance et contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juillet 2016 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Les dispositions contestées permettaient aux pouvoirs publics de prendre, à des fins de défense des intérêts nationaux, des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne. Selon l´article L. 871-2 du code de la sécurité intérieure, pour l´exécution de ces mesures, le ministre de la défense ou le ministre de l´intérieur pouvaient requérir, auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques, les informations ou documents qui leur sont nécessaires pour la réalisation et l´exploitation des interceptions autorisées par la loi.

Ces dispositions étaient notamment contestées sur le fondement du droit au respect de la vie privée consacré par l´article 2 de la Déclaration des droits de l´homme et du citoyen du 1789.

Absence d´encadrement

Le Conseil constitutionnel a constaté que les mesures de surveillance et de contrôle autorisées par les dispositions contestées ne sont pas soumises aux dispositions du code de procédure pénale qui encadrent les interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques prescrites par un juge d´instruction.

De plus, les mesures contestées ne sont pas soumises aux dispositions relatives au renseignement figurant au livre VIII du code de la sécurité intérieure, qui définit les techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui détermine les voies de recours relatives à la mise en œuvre de ces techniques.

En pratique, l´article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure, qui reprend les dispositions de l´article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, a été invoqué devant le tribunal correctionnel par l´ancien directeur central du renseignement intérieur comme fondement juridique à ses investigations dans l’affaire des « fadettes » du Monde (T. corr. Paris, 8 avr. 2014, n° 11010023019).

Censure au nom du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances

Le Conseil constitutionnel a ensuite énoncé les motifs pour lesquels les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

Tout d´abord, les mesures contestées, tout en autorisant que les mesures de surveillance et de contrôle soient prises « aux seules fins de défense des intérêts nationaux », n’interdisent pas que ces mesures puissent être également utilisées à des fins plus larges que la seule mise en œuvre de ces exigences.

En deuxième lieu, les dispositions contestées ne définissent pas la nature des mesures de surveillance et de contrôle que les pouvoirs publics sont autorisés à prendre. Elles ne soumettent le recours à ces mesures à aucune condition de fond ni de procédure et n’encadrent leur mise en œuvre d´aucune garantie.

La Conseil constitutionnel a donc déclaré contraire à la Constitution l’article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Abrogation reportée au 31 décembre 2017 et réserves transitoires

Afin de ne pas priver les pouvoirs publics de toute possibilité de surveillance des transmissions hertziennes, l´abrogation de l´article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure a été reportée au 31 décembre 2017.

Toutefois, le juge constitutionnel a encadré rigoureusement l’application temporaire de cette disposition, en imposant deux réserves transitoires. Ainsi, les mesures de surveillance ne pourront :

– ni être interprétées comme pouvant servir de fondement à des mesures d’interception de correspondances, de recueil de données de connexion ou de captation de données informatiques soumises à l’autorisation prévue au titre II ou au chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure ;

– ni être mises en œuvre sans que la CNCTR soit régulièrement informée sur le champ et la nature des mesures prises en application de cet article.

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