Le Premier ministre Manuel Valls a présenté, le 18 juin, la stratégie numérique de la France s´appuyant sur un rapport du Conseil national du numérique riche de 70 recommandations qui vise à donner les principales pistes pour la prochaine loi sur le numérique prévue pour l´automne. Ce rapport constitue la synthèse de six mois de réflexion et de concertation qui a rassemblé 5000 contributeurs. Il met l’accent sur deux points principaux : la garantie de neutralité et la loyauté des plateformes sur Internet.

Faire de la France une « République numérique », telle est l´ambition du gouvernement, qui souhaite un État plus moderne et plus protecteur en matière d´Internet. Parmi les principales mesures du Gouvernement, on peut citer les suivantes :

-La création de données d’intérêt public : des entreprises chargées de mission de service public (transport, énergie…) seront concernées

Le gouvernement a pour ambition d´utiliser le plus possible l´open data. Il veut en effet inscrire dans le futur projet de loi numérique la notion de données d´intérêt général, qui va libérer le maximum d´informations publiques en favorisant ainsi l´innovation ouverte. Il entend aussi promouvoir la diffusion des travaux de recherche ou brevets.

La secrétaire d´État chargée du numérique, Axelle Lemaire, souhaiterait que les entreprises publiques comme l´EDF ou la SNCF partagent les données dont elles disposent jugées d’«intérêt général ».

En outre, selon la secrétaire d´État, l´existence de l´administrateur général des données (poste créé fin 2014 par décret) sera « pérennisée dans la loi pour lui donner la légitimité d’intervenir auprès des administrations et d’organiser l’ouverture des flux des données ».

-Le lancement de l’« Emploi Store » : un site et une application regroupant les services de Pôle emploi et ouvrant certains outils aux développeurs

-La mise en place de la grande école du numérique : labellisation de formations (universités, collectivités, associations) centrées sur le numérique

En ce qui concerne l´éducation, le gouvernement souhaite labelliser une cinquantaine de formations aux métiers du numérique. Afin de « former les jeunes aux emplois dont les entreprises françaises ont désespérément besoin : cela peut être développeur, concepteur de site internet, animateur de communautés en ligne… », détaille la secrétaire d’Etat.

Outre le plan “école numérique”, le gouvernement veut expérimenter des dispositifs de médiation numérique pour les personnes âgées et les personnes handicapées.

Le Premier ministre a également précisé vouloir inciter les opérateurs télécoms à garantir une connexion internet pour les ménages les plus modestes.

-L´organisation d’une rencontre entre start-up françaises et grands financeurs à l’automne sous l’égide du président de la République

La secrétaire d´État, souhaiterait « capter une partie de l’argent des capitaux risqueurs internationaux », afin de financer et de développer les start-ups français. Pour cela, le gouvernement souhaite faire venir en France, en octobre prochain, les plus gros fonds de la Silicon Valley pour leur montrer ce qui s’y passe.

« Nous ferons, par ailleurs, venir à Paris les start-up les plus emblématiques de tout le territoire, afin qu’elles montrent aux investisseurs le niveau et la qualité de ce qu’elles font », souligne la secrétaire d’Etat.

Pour ce qui est des rapports entre grands groupes et start-up, « Nous allons faire en sorte d’établir un guide des bonnes pratiques pour permettre aux grands groupes et aux start-up de travailler ensemble dans de bonnes conditions. Un forum dédié à cette alliance nouvelle sera organisé à Bercy, pour que les uns et les autres s’engagent réciproquement de manière pérenne», annonce Mme Lemaire.

La secrétaire d’Etat est, en outre, très attachée à la transition numérique des TPE/PME (les « très petites » et les « petites et moyennes » entreprises). « Il faut œuvrer pour qu’internet devienne un levier de croissance plutôt qu’une menace », souligne la secrétaire d’Etat.

-L´inscription de la neutralité du Net dans la loi sans attendre l’issue des négociations à Bruxelles et après une période de concertation

Parmi les principales annonces, la volonté de Manuel Valls d´inscrire dans la loi française la neutralité du Net. Aux termes du rapport du Conseil national du numérique, la neutralité d’Internet est le principe « selon lequel l’ensemble du trafic de l’internet est traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment de l’expéditeur, du destinataire, du type, du contenu, de l’appareil, du service ou de l’application. En particulier, la neutralité vise à garantir un traitement identique à tous les fournisseurs de contenus, petits ou grands, consensuels ou non. Symétriquement, les utilisateurs doivent pouvoir accéder aux informations et contenus de leurs choix sans discrimination. »

Mme Lemaire souhaite « que la France puisse porter dans la loi une définition de la neutralité qui laisse la possibilité de l’innovation », avant qu’un accord ne soit trouvé au niveau européen.
La question de la neutralité du Net pourrait causer des confusions, dès lors que la Commission européenne est en train de mettre au point sa propre stratégie numérique et entend éviter que chaque Etat ne définisse ses propres critères.

-L´inspection par les services de la concurrence des conditions générales d’utilisation des grands sites opérant en France

-La modification de la loi sur les données personnelles avant les nouveaux textes européens et instauration de la possibilité de transporter ses données personnelles d’un service à un autre

Avant l´entrée en vigueur des nouveaux textes européens relatifs aux données personnelles (notamment le Règlement européen relatif aux données), le gouvernement veut mettre en place une loi sur l´encadrement de l´utilisation de ces données. Selon la secrétaire d´État, dans le cadre des négociations à Bruxelles, il faut aussi tenir compte de la vision française concernant cette problématique. Plus concrètement, le gouvernement a proposé la mise en place de la recommandation du Conseil national du numérique relative à la consécration d´un droit à la portabilité de données qui consiste dans la possibilité de transférer les données d´un internaute d´un service à l´autre.

-Le lancement de travaux avec le Conseil de l’Europe pour établir une charte des droits du citoyen et du numérique

Par ailleurs, « le gouvernement va travailler avec le Conseil de l’Europe à la rédaction d’une charte des droits du citoyen et du numérique », a annoncé Mme Lemaire qui souhaiterait un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

-La création d’un « Etat plate-forme »

Une autre préoccupation du gouvernement, c´est la cyber sécurité. Il s’agit de « répondre à une angoisse et un besoin de plus en plus forts, chez les particuliers comme chez les administrations et les entreprises », selon Mme Lemaire. A cet effet, une plate-forme d´assistance aux victimes de cyberattaques sera mise en place au début du 2016.

L´exécutif voudrait aussi numériser les services publics par la création d´un « État plate-forme » pour rendre « les services publics de demain plus efficaces et plus personnalisés ». Ce serait un endroit où les développeurs pourront trouver une interface d´application de programmation, c´est-à-dire des moyens pour interroger les bases de données de l´état et interagir avec ses systèmes informatiques pour développer de nouveaux services.

Selon Mme Lemaire « il faut aller aussi vers une stratégie de plate-forme coordonnée pour les services publics, avec un portail d’entrée unique vers tous les services [de l’Etat]pour les usagers ». En effet, les citoyens pourront interagir avec l´administration par échange électronique.

Le gouvernement n´a pas repris certaines recommandations du Conseil national du numérique :

-la recommandation du CNN de graver dans la loi l´obligation de passer par un juge pour bloquer un site. En effet, le gouvernement est parvenu, à l´automne dernier, à instaurer un blocage administratif, sans juge, des sites terroristes ;

-la recommandation relative au chiffrement des données, un moyen qui peut être mis en place par les entreprises et les particuliers pour les protéger ;

-la recommandation relative à l´interdiction de surveiller des flux et des données.

Une relecture publique prévue

Ces annonces interviennent en amont du futur projet de loi numérique porté par la secrétaire d´État Axelle Lemaire, et dont le début de l´examen est prévu à l´automne au Parlement, a annoncé le Premier Ministre. Le gouvernement rendra d´ailleurs le texte public sur Internet jusqu´au juillet, avant même son passage en Conseil d´État, afin que chaque citoyen puisse apporter sa contribution et suggérer des modifications. Une première selon Matignon, qui a baptisé cette méthode « relecture publique ».

[1] UNTERSINGER M., BELOUEZZANE S., Le gouvernement présente sa stratégie numérique pour la France, Le Monde, 19.06. 2015

[2]France Inter, 70 recommandations pour une ambition numérique, 18 juin 2015

[3] UNTERSINGER M., BELOUEZZANE S., Le gouvernement présente sa stratégie numérique pour la France, Le Monde, 19.06. 2015

[4]Idem

[5] France Inter, 70 recommandations pour une ambition numérique, 18 juin 2015

[6]UNTERSINGER M., BELOUEZZANE S., Le gouvernement présente sa stratégie numérique pour la France, Le Monde, 19.06. 2015

[7] Idem

[8]Idem

[9] Idem

[10]Conseil National du Numérique, Ambition numérique, Juin 2015

[11] France Inter, 70 recommandations pour une ambition numérique, 18 juin 2015

[12]France Inter, 70 recommandations pour une ambition numérique, 18 juin 2015

[13] UNTERSINGER M., BELOUEZZANE S., Le gouvernement présente sa stratégie numérique pour la France, Le Monde, 19.06. 2015

[14]Idem

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